Les cafés: troisième partie
Il y a bien des substituts québécois envisageables au vrai café qui est toujours d’origine tropicale; je croule sous les suggestions que je pourrais vous faire, mais je vous ai gardé la meilleure pour la fin de cette courte série, histoire de terminer sur une bonne note! Je vous présente aujourd’hui un café sosie presque parfait au niveau du goût, un café composé de deux racines torréfiées et d’une espèce de petite graine difficile à cueillir – que j’appelle le café des tricheurs!
Oui, si vous suivez ma recette, je pense que vous vous régalerez avec ce café composé, le meilleur substitut de café que j’ai jamais expérimenté avec les produits de notre belle nature. Je vais vous donner le mode d’emploi avec un maximum de détails, cela semblera peut-être un peu fastidieux de se composer ce «café des tricheurs», mais dites-vous que les bonnes choses de la vie ont un prix et que cela vaut la peine parfois de faire quelques efforts supplémentaires : on se rappellera avec plus d’affection les belles journées d’été du temps jadis quand on sera devenu vieux.
Pour ce qui est de l’effort requis pour faire ce café, dites-vous que ce sera toujours en fonction des provisions qu’on voudra se constituer. Les deux pires cas de figure seront aux extrêmes, c’est-à-dire soit quand on voudra se faire juste un petit café pour l’essayer une fois, ou à l’opposé, quand on voudra en produire assez pour en tenir en boutique pendant une année complète. Le mieux serait de s’enligner pour une petite provision bonne pendant une ou deux saisons, pas plus, quitte à en manquer l’hiver. Mais assez d’introduction, je vous explique tout ça maintenant!

Le «café des tricheurs» dérive du «café des riches» qui est produit seulement à partir des petites graines des gaillets piquants cueillies au moment des framboises rouges. Ouf, les amis, jamais je n’irais cueillir ces graines s’il n’y avait pas à ce moment-là les bonnes framboises à rajouter au panier, c’est une des pires cueillettes que je connais! Il faut se battre contre les plants qui s’accrochent à nous alors qu’ils sont à leur maximum de hauteur, on dirait même qu’ils cherchent à s’enrouler autour de nous et que les tiges veulent nous cisailler la peau des mains. Mais heureusement, une fois mises au four à 300 degrés Fahrenheit (120 degrés Celsius) et finement moulues, il en faut très peu pour obtenir une valeur très intéressante de noisette, dans la recette finale.
Sur ces 200 grammes de fines graines de gaillet difficilement cueillies, j’en mets un 50 grammes, pas plus, de côté pour un seul «café de riches» et le reste, je l’incorpore à un café fait avec deux racines parmi les plus faciles à trouver à ce moment-là : les racines de pissenlit et les racines de chicorée sauvage, correctement torréfiées et moulues, elles aussi, pour le café des tricheurs. Un café qui aura le bon goût velouté de noisettes du café des riches, mais avec en plus l’amertume subtile du café de ces deux racines.
Tout le monde a pas mal déjà entendu parler des cafés de pissenlit et de chicorée, je pense! La vie est bien faite, ce sont deux racines devenues généralement trop coriaces au mois de juillet – surtout la racine de pissenlit, on n’aura vraiment pas envie de la manger comme au printemps alors qu’elle est grasse, douce, même un peu sucrée.

Au milieu de l’été, c’est alors le temps d’opter pour un nouvel usage, les prendre pour les transformer en poudre à café. Il suffit de les déterrer délicatement, de les brosser, de les couper en rondelles de 2 à 3 cm de long, de les râper un peu et de les mettre à torréfier au four, à 250 degrés Fahrenheit pendant une demi-heure, avant de les moudre pour une percolation.
Pour les chicorées sauvages, ce ne sera pas comme la variété à grosse racine de Vilmorin, en France, nous aurons toujours de petites racines maigres, faciles à déterrer quand on verra leurs grandes tiges ornées de fleurs bleues se dresser parmi les hautes herbes de prairies, encore une fois à partir de la mi-juillet.
Le fameux café de chicorée, c’est très intéressant, il dépend presque entièrement d’une seule compagnie dans le monde, la Maison Leroux fondée en 1860. Ils ont une usine et des champs immenses dans le nord de la France, une gamme de produits fantastiques, ils se targuent d’être les seuls à produire à grande échelle le seul café nordique, actuellement! C’est une culture originale qui s’est développée en France sur ordre direct de l’empereur Napoléon 1er, au début du 19e siècle, comme les betteraves à sucre et d’autres.

Un «café des tricheurs» réussi, en somme, ce sera un «café de riche», mais «triché», fait plus paresseusement que juste avec de petites graines de gaillet : «triché» en lui ajoutant de la poudre de racine de pissenlit et de chicorée. Ce ne sera pas seulement un café de racines de pissenlit et de chicorée, par contre : ces cafés-là, ils sont bons, mais il leur manquera toujours le petit côté de noisettes du seul café des riches.
La meilleure recette de «café des tricheurs», de mémoire, je pense que ça se résume à une partie de poudre de graines de gaillet pour deux parties de poudre de racines de pissenlit et deux parties de poudre de racines de chicorée. Évidemment, il ne faudra pas vous gêner pour rajouter à votre café de parvenu (de pseudo riche) tout ce qu’il faudra pour connaître la plénitude du confort et du bonheur : la petite crème, le sucre, le sirop d’érable, le sirop de sapin, la cannelle, la cardamome, au choix.