Un village en changement, une identité immuable
Par: Félix Parent-Sirard
avec la participation de Patricia Boucher et Michaël Bergeron-Gobeil
Récit d’un projet universitaire de réaménagement de la municipalité, «détabletté» 7 ans plus tard, mais toujours autant d’actualité!
MON RAPPORT AU VILLAGE
Depuis l’âge de 8 ans ma famille avait pris l’habitude de quitter la Rive-Sud de Montréal chaque fin de semaine pour aller dans le Nord. Parmi tous les endroits, c’est Val-David que nous avions choisi. J’y ai donc passé de nombreux étés, fait de l’escalade dans le parc régional, eu mon premier emploi au Botanix, enseigné la planche à neige à Vallée Bleue et ce fut un lieu apaisant durant les années d’adolescence plus houleuses! La nature et l’esprit du lieu me calmaient profondément.
Durant ces années, j’ai vu Mirabel s’étendre génériquement, j’ai vu les Laurentides se développer frénétiquement, mais j’étais rassuré de voir que Val-David tenait bon. Qu’il gardait son identité!
Puis j’ai vu les concessionnaires gruger les montagnes, des entreprises s’établir au bord de la 117 et tout niveler et les premiers condos se pointer le bout du nez sur la Principale. J’ai alors eu peur. Peur de voir ce village pas comme les autres céder à la pression.

UN PROJET ÉTUDIANT EN 2013
Pendant que ces changements urbanistiques survenaient, je faisais mon bonhomme de chemin en étudiant l’architecture de paysage à l’Université de Montréal. Et lorsqu’est venu le temps de choisir un sujet pour mon projet de fin d’études en 2013, vous comprendrez qu’il n’a pas été long pour moi de convaincre deux amis de se joindre à moi pour travailler sur un projet de développement pour cette municipalité qui me tenait tant à cœur. Nous voulions proposer une vision d’aménagement pour le Val-David de demain, rien de moins.
Nous avons alors travaillé pendant des mois, parcouru le village en entier pour y faire une analyse visuelle, rencontré un historien de la place, puis la mairesse Davidson et un urbaniste, lu plusieurs livres traitant du développement des Laurentides et effectué des recherches variées pour comprendre profondément le lieu et les enjeux d’aménagements.
Certains constats sortent alors du lot : infrastructures d’accueil à revoir; espaces naturels non accessibles; problème de circulation au centre du village; manque de stationnement; manque de parcs à l’intérieur du noyau; nombreuses vues d’intérêts et présence d’éléments patrimoniaux.
Comme dans tout projet, pour que l’atteinte d’un objectif soit réaliste, nous définissons quelques priorités d’intervention qui vont guider tout le travail par la suite. Il devient alors clair que notre projet d’aménagement devait :
- Consolider les activités communautaires;
- Améliorer la circulation piétonne et cycliste;
- Développer des projets intégrés au milieu selon des modèles créatifs;
- Conserver, révéler et mettre en valeur les vues et espaces d’intérêt;
- Révéler et mettre en valeur le patrimoine naturel, culturel et bâti;
- Conserver et mettre en valeur l’art et la culture.
Ouf! Beau défi! Mais on continue la réflexion et les choses se précisent. Le noyau villageois représente le centre de l’effervescence de Val-David. Il est le cœur des activités communautaires et culturelles, en plus de représenter un pôle majeur pour les touristes qui viennent de partout afin de bénéficier de son caractère unique. C’est ce qui le caractérise des autres villages avoisinants et c’est là que nous voulons intervenir. On décide alors de se séparer la tâche en trois et de penser le réaménagement sur 3 volets majeurs liés au noyau villageois : un projet pour requalifier l’entrée au village (ENTRER), un projet pour faciliter les accès à l’eau (PLONGER) et un projet de réaménagement pour le parc Léonidas-Dufresne (RASSEMBLER). Par l’entremise de ces trois projets, nous avons le pouvoir de renforcer et de protéger ce caractère singulier qui est le reflet de la richesse de la communauté valdavidoise.

ENTRER :
Ce premier projet visait à rendre plus sécuritaire la traversée de la 117 en plus de marquer l’entrée du village. Étant donné les problèmes de circulation durant la période estivale dans le noyau villageois, on voyait l’occasion d’utiliser les stationnements de la montagne de ski en été afin de limiter le nombre de voitures qui se seraient engouffrées sur la Principale. On imaginait un magnifique pavillon d’accueil à l’endroit ou se trouve le magasin Bio Sattva, point de départ d’une promenade menant à pied les visiteurs jusqu’au centre du village. Fini les bouchons les jours de marché public ou lorsque 1001 pots bat son plein. Et quelle belle façon de marquer l’entrée du village en affichant nos couleurs dès le départ!

PLONGER :
La rivière du Nord est un bijou, mais son accès reste limité. Nous avions imaginé un réaménagement des abords du parc des Amoureux permettant de s’y baigner de manière sécuritaire. Un trajet dans le village, passant entre autres au fond du parc Dion, visait à permettre certains points d’accès publics à la rivière à la manière d’une route bleue. Nous voulions ainsi renverser à Val-David le modèle de privatisation de l’accès des plans et cours d’eau du Québec. Des œuvres d’art auraient ainsi pu ponctuer ce sentier de découverte au travers de tout le village.

RASSEMBLER :
Le parc Léonidas-Dufresne actuel a un passé riche qui demeure plus ou moins connu de tous. Les images historiques de l’ancienne gare de train et toute l’effervescence liée à cet espace central nous motivaient à créer un lieu de rassemblement majeur, autant pour les locaux que pour les touristes. On imaginait un centre culturel ouvert sur le parc au lieu de la caserne. On mettait en valeur le passé industriel du site au travers d’une exposition implantée à l’endroit de la gare d’origine. La topographie du lieu était réimaginée pour permettre d’y recueillir les eaux par endroits (fonte des neiges, fortes pluies, et autres) et d’y permettre une pente à glisser en hiver. Un mobilier révélait aussi l’existence de l’ancien moulin au travers de l’inscription «Belisle’s Mill». Ce projet visait à reconnecter tous les espaces autour de la bibliothèque afin de créer un seul véritable grand parc, au centre du village, avec une signature distinctive.

TOUJOURS D’ACTUALITÉ EN 2020
Dans le tourbillon de la fin de nos études, nous n’avions pas trouvé l’énergie pour faire une présentation officielle du projet à la municipalité. Toutes ces belles idées avaient jailli en 2013… pour ainsi rester tablettées par la suite.
En 2020, à titre de professionnel de l’aménagement et étant conscient de tous les changements qui s’opèrent dans les villes et villages au Québec et dans le monde, je remarque bien humblement que notre projet n’a pas pris une seule ride! Plus que jamais, Val-David gagnerait à s’approprier certaines idées de notre projet afin de se munir d’une réelle vision d’ensemble d’aménagement de son territoire et de son noyau villageois.
Il y a des façons créatives de mettre en valeur et de développer un territoire. On peut faire une densification douce qui respecte le cadre naturel d’un lieu.
Val-David, un village à part et à partager?
Mettons en place un projet collectif qui reste accueillant pour les visiteurs et respectueux des habitants et de l’esprit du lieu!
Désormais, allez marcher, courir ou pédaler en imaginant tous les possibles.